L'arbre - Grey Owl

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- Editions Souffles –

- Traduit de l’anglais par Jeanne Roche-Mazon -

Il est ici question, à travers la vie d’un arbre, de nous narrer l’histoire d’une contrée, dans les Montagnes Rocheuses du Canada. Dans ce conte, véritable hymne à la Nature, Grey Owl continue de nous délivrer son inquiétude pour le milieu naturel et les traditions du peuple autochtone, dont il assiste impuissant à la disparition. Un des premiers conservationnistes de son époque au Canada, Grey Owl défend l’idée de rétablir le respect de la Nature, pour vivre en harmonie avec elle. A travers ce récit, il souligne l’importance de la défense de l’environnement et de sa sauvegarde contre l’influence négative du développement industriel ; grâce à la préservation, des régions forestières, des lacs et des courants peuvent être épargnés. Il s’agit d’un des textes les plus forts écrits par Grey Owl. Un texte précurseur qui annonce les préoccupations d’aujourd’hui.

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 » Il y a six cent cinquante ans à peu près, un écureuil ramassa sur l’herbe une pomme de pin qu’il avait abattue d’un arbre. Il emporta ce butin vers une cache, demi-pleine déjà de cônes pareils, mûrs et juteux. En arrivant à son grenier, juste au milieu d’un défilé dans les Montagnes Rocheuses, l’écureuil vit vers sa gauche quelque chose d’intéressant. Il alla de ce côté, après avoir posé la pomme de pin, et il oublia de jamais revenir. « 

Ainsi débute le récit qui constitue l’un des chapitres d’un des ouvrages de Grey Owl : Récits de la cabane abandonnée.

Précieux livre que celui-ci, le texte comme l’objet. Je ne peux que remercier l’éditeur qui a pris l’heureuse initiative de publier indépendamment ce conte, me permettant de découvrir la plume de Grey Owl, ses mots mais aussi ses dessins qui parsèment ce volume, complétés par des photographies issues d’archives de parcs nationaux.

A peine une soixantaine de pages qui raconte une terre canadienne, une terre indienne, à travers la vie d’un pin, témoin végétal six fois centenaire. De la naissance de l’arbre jusqu’à sa mort, Grey Owl décrit la nature, ses cycles, la vie animale qui se croise sous les branches – grand cerf wapiti, loups  » corsaires de la Solitude sauvage « , orignal, aigle, ours grizzly, tous personnages à part entière -, avant de conter la culture indienne, les rituels, la sacralisation de l’arbre gardien et veilleur, le génocide de cette population – par les armes comme par  la corruption de ses coutumes ( l’exil, l’alcool, les frontières, le massacre des troupeaux de bisons ) – puis la spoliation au profit d’une nouvelle civilisation qu se construit sur le pillage environnemental.

 

Un texte engagé datant des années 30, révolté et sévère, et dont pourtant il se dégage comme une respiration, une sérénité; un chant transcendant à la nature dont les esprits omniprésents dépassent l’humain. C’est tout le talent et le charme du conte soutenus par l’écriture fluide et précise, par la pureté du style de Grey Owl.

 » Les montagnes assistaient à cette fin dans un calme glacé, car elles savent que les arbres doivent mourir, ainsi que les hommes; elles seules demeurent éternellement. « 

Une biographie clôt ce livre, relatant le parcours atypique de cet homme qui signait de son nom indien. Né Archibald Belaney en 1888 en Angleterre, il réinventa sa vie au Canada quil rejoignit dès dix-sept ans, d’abord trappeur puis garde forestier investi dans la préservation de cet environnement, qu’il s’agisse de la flore et la faune ou des traditions des peuples autochtones. Il écrivit des articles, des nouvelles, participa à des films documentaire et donna des conférences, mentant sur ses origines en s’affirmant amérindien. A son décès, en 1938, sa véritable identité fut révélée et ce scandale discrédita son discours, condamnant ses textes à l’oubli malgré l’intérêt et la reconnaissance qu’il reçut de son vivant en tant que naturaliste.

Ses livres n’étaient plus disponibles en France depuis les années cinquante, disparus avec la maison d’édition qui les diffusait ( Boivin et Cie Editeurs ). Les éditions Souffles – qui portent bien leur nom – renaissent avec eux, ayant publié depuis fin 2009 quatre de ces livres en plus de la publication isolée de L’arbre, les rattachant aux inquiétudes écologiques actuelles.

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