La compagnie des loups - Angela Carter

 

Loupcarter

- Point -

- Traduit de l'anglais par Jacqueline Huet -

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Angela Carter ( 1940-1992 ) était universitaire, romancière et traductrice en anglais des contes de Charles Perrault. Son genre de prédilection était le fantastique, comme dans ce recueil de dix nouvelles noires à dévorer, réécritures de contes traditionnels européens.

Angela Carter s'approprie des personnages et des péripéties de contes pour en écrire une version à la fois plus réaliste ( n'hésitant pas à s'aventurer dans le contemporain ) et plus fantastique que merveilleuse. Le loup devient loup-garou. Bien que délaissant l'univers merveilleux, elle respecte la dimension du conte, son message, son récit profond, racontant la nature humaine, les dangers et la violence, l'instinct animal tapi, la solitude, le désir, la peur originelle de la dévoration, sa symbolique sexuelle et la peur de la mort toujours présente. Elle nous livre le conte perverti en mettant au jour les perversions sous-jacentes au récit premier; ce caractère réaliste de ses récits révélant brutalement la cruauté et le sordide, non sans une certaine ironie. 

Comme elle se saisit des contextes initiaux et des thématiques de fond, elle s'empare des personnages, leur insufflant vie. Sous la plume qui célèbre par ses descriptions les atmosphères fantastiques gothiques, les personnages deviennent des personnes, des personnalités, s'échappent des archétypes par leurs sentiments, leurs sensations. Des nouvelles sensuelles plutôt qu'érotiques qui s'amusent des épilogues et des genres ( avec une mention particulière pour l'exception de la reécriture du Chat Botté savoureusement revu à la manière du comédie de foire ) dans lesquelles se dévoilent les personnages féminins...

Angela Carter a signé le scénario de l'adaptation cinématographique inspirée du recueil ( film de Neil Jordan )

Dvdloup

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" Redoutez le loup, fuyez-le; car, pire encore, le loup peut être pire qu'il ne semble. [...] Ce long hurlement modulé possède, malgré toutes ses résonances effroyables, une certaine tristesse inhérente, elle suggère que les bêtes aimeraient se départir d'un peu de leur bestialité, si seulement elles savaient comment, et ne cessent de porter le deuil de leur propre condition. Il y a une vaste mélancolie dans les cantilènes des loups, une mélancolie infinie comme la forêt, interminable comme ces longues nuits d'hiver, et pourtant cette épouvantable tristesse, ce regret de leurs propres appétits irrémédiables sont à jamais incapables d'émouvoir notre coeur car rien en eux ne laisse entrevoir la possibilité de la rédemption; la grâce ne pourrait venir au loup de son propre désespoir, seulement de quelque médiateur extérieur, de telle sorte que, parfois, la bête aura l'air d'accueillir sans déplaisir le couteau qui l'expédie.

- La compagnie des loups -

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Pour l'Heure du Conte, reécriture avec Mina qui relit aussi un Petit Chaperon Rouge au féminin -

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Commentaires

  • Lili

    1 Lili Le 27/12/2014

    Les réécritures de contes sont souvent périlleuses. Il m'est arrivé d'en lire de bien mauvaises. Malgré tout, j'aime toujours autant le principe et tu m'as convaincue de lire ce recueil là !
  • Marilyne

    2 Marilyne Le 27/12/2014

    Comme toi, j'ai souvent du mal avec les réécritures de contes, j'accepte difficilement qu'ils soient détournés en exercice de style et/ou qu'ils perdent de leur sens. Ce recueil est très intéressant et très plaisant à lire, avec une belle écriture, ce qui ne gâche rien :)
  • Mina

    3 Mina Le 27/12/2014

    Ce choix du fantastique semble intéressant pour réécrire les contes, tout en conservant leur message plus profond (en raison de la proximité de ces deux genres et de leur façon de jouer de l'étrange ?) Pierre Dubois a aussi réécrit des contes dans cette optique, le connais-tu ? Il m'avait paru inégal dans ses Comptines assassines, mais certaines réécritures mettaient bien en évidence la violence du conte et la peur fondamentale qui s'y exprime.
  • Anne

    4 Anne Le 27/12/2014

    Eh bien, je découvre des facettes littéraires autour des contes grâce à votre semaine thématique ! Les détournements de contes, on peut appeler ça ainsi ? Je pense à "La bête et la belle" de Thierry Jonquet.
  • Marilyne

    5 Marilyne Le 27/12/2014

    @ Mina : oui, mais ce n'est pas l'étrange, c'est le surnaturel. Il y a, comme avec le merveilleux, complicité, le lecteur accepte l'univers. Je n'ai pas encore les Comptines... de P.Dubois, je ne sais plus pourquoi exactement mais ce que j'en avais lu ne m'attirait pas.

    @ Anne : les contes nourrissent la littérature. Il y a les détournements, les interprétations, les inspirations ( et j'adore ça ^^ ). Ici, il s'agit vraiment de réécriture, pas de détournement. Je n'ai pas lu ce titre de T.Jonquet, je ne peux te répondre ( mais je note la référence ^-^, et je vais vérifier, il me semble que tu as écrit un billet, ce qui me permettrait de me rafraîchir la mémoire :))
  • Marilyne

    6 Marilyne Le 27/12/2014

    @ Anne : pas trouvé :( . J'ai regardé un résumé, effectivement, cela semble un détournement avec le contexte contemporain mais ne connaissant pas l'épilogue...
  • Anne

    7 Anne Le 29/12/2014

    Oh non, j'ai lu ça trèèès longtemps avant le blog. Quant à la fin... personne ne peut la révéler sous peine de trahir tout le roman, ce serait sacrilège !!
  • Kathel

    8 Kathel Le 30/12/2014

    J'aime bien les détournements de conte à destination des enfants, et serait curieuse de voir ce qu'il en est pour les plus grands... hop, c'est noté !
  • Marilyne

    9 Marilyne Le 31/12/2014

    @ Anne : bon, ben, je sais ce qu'il me reste à faire pour rompre le sortilège... ;)

    @ Kathel : j'en suis toujours curieuse aussi mais je suis pointilleuse ^-^ . Dans la catégorie " pour les grands ", celui-ci est très intéressant, dans le respect du propos du conte malgré l'inversion de " regard " puisqu'il met en scène les personnages féminins.

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