La danse de l’abeille – Françoise Houdart

Danse abeille houdart

- Éditions Luce Wilquin -

Une chambre. Des livres empilés sur le sol entre le lit, le fauteuil, la commode. Elle est assise à un petit bureau. Elle écrit « Je pense à vous ». Elle écrit ce message-là, cette phrase-là, chaque soir, à la même heure, sur une feuille vierge qu’elle chiffonne aussitôt après et qu’elle jette dans la corbeille à papier.

Je suis amoureuse. D’un livre d’amour. Dans lequel l’amour ne dit pas son nom, ne dit pas les noms. Une narratrice qui raconte ses heures. A l’absent. Vous.

Ce livre est un mystère, un secret, une histoire de cœur, une histoire de peau, et c’est une poétique tant la prose est ciselée. Lecture envoûtante d’une obsession, d’un absolu, de ce tremblement dans l’air, le pur désir.

«  Rien ne se compose en mes mots. Aucune histoire. Vous êtes le texte que je n’écris pas; que je n’écrirai jamais.

J’imagine un livre improbable; un livre dont les pages seraient couvertes de cette seule phrase : « Je pense à vous ». Chaque lecteur y lirait sa propre histoire. Vous seriez singulier et multiple, personnage mimétique décliné à l’infini des reconnaissances et des désirs.

Suffirait-il que j’ose écrire « Je vous aime » pour changer de registre, pour convertir la pensée en sentiment; pour que soudain quelque chose s’ébauche qui induise le texte ?« 

Fugitive impudique, sensuelle, elle décrit ses errances langoureuses en confidences, clandestine à Florence, à Ostende, en escale à Paris –  » Paris enfin. Paris terminus. [...] Paris sans vous. A quoi bon.  » -

Des chapitres très courts, comme les pages d’un carnet de voyage en intimité, disent ces détours jusqu’à la tentation du suicide, l’histoire ancienne, les chuchotements de l‘Autre, narratrice décomposée, celle qui « vous tutoie, vous, de tout son corps « , ce corps qui se refuse, qui hurle, qui brûle, narratrice meurtrie par  » le feu qui court dans le fin réseau du sang. Peau de chagrin. Je vous parlerai un jour de ce serpent sous la peau, la bête griffue  » dont les assauts lui laissent des stigmates, cette inflammation qui (s’)écrit sur l’épiderme jusqu’au sang, jusqu’aux larmes, narratrice exsangue.

Qu’elle est émouvante cette femme, anonyme, furtive, qui réchauffe ses mains et s’apaise au petit matin autour d’une tasse de café brûlant.

Et qui toujours écrit.

« On disait que …

Trois mots pour changer de monde, de destin; trois mots magiques pour changer l’injuste répartition des rôles, la fatalité d’un sexe ou d’un prénom, les prévisions de l’attendu.

J’ai longtemps prolongé le jeu. Je le prolonge en écriture. Chaque livre atteste d’une vérité advenue par le miracle de l’illusion.

Ou de l’amour. »

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  » Il ne la touche pas. Il la lit. « 

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