Perla - Frédéric Brun

31xmzaynn8l- Livre de poche - 2008 - ( Stock 2007 - Bourse Goncourt du premier roman ) -

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Peu après la mort de sa mère, Perla, son fils rencontre la femme de sa vie et devient père pour la première fois. Perla a été déportée cinquante ans plus tôt à Auschwitz. Il tente de comprendre son épreuve et lit de nombreux témoignages sur les camps. Étrangement, au même moment, il se sent attiré par les poètes allemands, Novalis, Hölderlin et Schlegel, et par le peintre Caspar David Friedrich, qui désiraient attraper l’âme du monde. Avec eux, il cherche l’apaisement et se pose la question : comment l’Allemagne a-t-elle pu engendrer la poésie la plus pure et la barbarie la plus totale ? Hymne à la mère, Perla est aussi un livre de correspondances, sur l’amour, la naissance, la mémoire et la transmission.

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Simplement et absolument magnifique. Ce texte est un hommage à la mère, aux mères, le regard attentif de ce fils qui devient père.

Emouvant, douloureux sans être larmoyant, dense, intime, profond, ce livre est aussi un devoir de mémoire. Une quête de mémoire, de (re)connaissance. Celle de la mère, survivante disparue, qui n’a pas raconté Auschwitz dont, même cinquante ans plus tard, elle n’était pas parvenue à sortir.

Sur les traces de Perla, Frédéric Brun tente un retour aux origines, aux silences, qui ne lui apporte pas de réponse mais une vision renouvelée sur la vie, une seconde naissance. L’auteur se confie, témoigne de son parcours personnel, d’une reflexion philosophique. Perception et conception.

Sur à peine une centaine de pages se découvre une iconographie dérangeante mêlant portraits de poètes et peintures de la période préromantique allemande du Sturm und Drang aux photographies et documents du camp de concentration. Et pourtant, il se dégage une pure lumière, une sérénité, de cette lecture. Une conviction.

Les artistes allemands cheminent aux côtés de l’écrivain. Cette confrontation du paradoxe allemand libère la parole, délivre les mots et les sentiments. Une  » Lettre à la mère « , interrogeant, au-delà de l’histoire familiale, sur l’Histoire et les idéaux. L’écriture en méditation, en médiation. L’âme et le coeur. 

En extraits :

 » Nos lignes de vie ne sont pas linéaires. Elles suivent des cours aléatoires, prennent des tournants inexpliqués, au gré du caractère et des événements. Je veux puiser dans ma mémoire jusqu’à ce qu’il n’y reste plus d’encre noire. « 

 » Je n’aime plus ma façon de vivre. Plus le temps avance, plus rien ne correspond à ce que j’ai envie d’éprouver. Le bruit, la vitesse, les perpétuelles inventions technologiques, la recherche illimitée de richesses, l’individualisme, la lutte effrénée contre le temps deviennent pour moi insupportables. Dans ma bulle d’aujourd’hui, je ne ressens plus qu’uniformité, codes, modes, signes de reconnaissance absurdes. Se fondre dans la masse est une manière de tuer sa solitude, comme s’il fallait toujours être en ligne ou sur Internet, relié à quelque chose ou à quelqu’un. Dans les grands temples de consommation, nous attrapons les livres et les cédéroms par kilogrammes. On veut nous faire croire que le savoir peut s’acheter. Posséder des objets de papier donne l’apparence d’être instruit. Je veux me connecter mais certainement pas au vide de mon époque. « 

 » N’est-il pas impossible de vouloir résumer sa vie sur du papier, de l’enfermer dans un volume ? Comment peut-on espérer faire contenir le monde dans quelques formules ? « 

 » Le désespoir est venu me voir, mais la souffrance nous purifie. Elle nous éloigne aussi. Elle nous fait quitter le royaume obscur d’un moi qui se croit tout permis. Elle fait prendre conscience et donne un autre sens à la vie. Elle écarte certaines personnes, en rapproche d’autres. Elle nous révèle l’insuffisance de nos comportements. Elle provoque un besoin d’écriture qui augmente encore cet enfermement. Elle plante une nouvelle exigence en nous. Elle nous fait grandir, nous fait entrer dans une spirale qui n’en finit pas et qui soudain change de couleur. Tout à coup, nous devenons plus indulgents, nous nous apercevons que nous ne sommes pas les seuls à souffrir, qu’il faut se méfier des apparences, alors nous pouvons enfin revenir vers le monde. «

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