La fureur de la langouste - Lucia Puenzo

Langouste

- La cosmopolite - Stock -

- Traduit de l'espagnol ( Argentine ) par Anne Plantagenet -

Tino a onze ans. Il vit à Buenos Aires avec sa mère, son père, sa soeur, Bruno le garde du corps et Irma la bonne paraguayenne, dans une maison bourgeoise cossue, sous surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Car sa famille n’est pas comme les autres : son père, Razzani – dont le plat préféré est la langouste au jerez –, est un des hommes les plus puissants du pays. Ce qui inquiète Maia, une amie d’école avec laquelle Tino entretient un jeu amoureux. Jusqu’au jour où Razzani fait les gros titres de la presse et que le père de celle-ci, présentateur de l’émission « Le chasseur », l’invite et tente de le démolir en direct. Tout s’effondre autour de Tino : et s’il ne connaissait pas son père ? Qui est cet inconnu qui l’a élevé ? Pourquoi tous ces mensonges ? Et quand l’homme le plus recherché du pays prend la fuite, c’est toute sa famille qui s’effrite : la soeur, anorexique et sous antidépresseurs, la mère, qui refuse de voir la réalité en face et Tino qui fait l’expérience de la disgrâce.

La quatrième de couverture donne l'élément déclencheur du récit, la révélation de l'identité et des activités de cet homme Razzani.
Lucia Puenzo situe très certainement son récit durant l'ouverture capitaliste sauvage de l'économie du pays qui s'était emparée de l'Argentine pendant les années de présidence de Carlos Menem ( de 1989 à 1999 ) .
Ce roman relate donc la chute d'un de ces hommes qui régnait dans l'ombre sur l'économie de l'Argentine.


« … la partie visible de l'empire : la holding IPANEMA, conglomérat d'entreprises de tourisme, hôtellerie, transport, chaînes de free-shops, pharmacie, casinos, agences immobilières, usines textile et sociétés municipales. Bien que représentant seulement douze pour cent des biens de Razzani, sa valeur emblématique était infinie : elle avait dessiné l'esthétique des côtes argentines et uruguayennes. »


Un homme en fuite en son empire raconté par son fils, Valentino à l'enfance sur-privilégiée, sur-protégée. Ce contexte politique et économique, toute la nouvelle violence de cette nouvelle société argentine reste une toile de fond non explicitée, la toile dans laquelle se prennent les personnages, la toile qui nous prend. Ce roman, c'est une histoire familiale, une histoire mafieuse, une histoire de corruption et de relations père-fils et celle d'un exil. Presque un huis-clos – la famille, la gouvernante paraguayenne Irma, « sa maison est mobile, sa maison c'est Irma « , le garde du corps Bruno qui l'attendait déjà à la porte de la maternité – tout se déroule dans le « cercle » dont Razzani est le centre, ce clan, le réseau que ne peut quitter Tino. Dont il ne peut se libérer, dont « il devine qu'il lui faudra encore des années avant de commencer à comprendre les vraies raisons qui les auront tous rassemblés ici. «


Et pourtant, rien de mièvre ni d'allusif. Au contraire, malgré l'isolement, le regard de l'enfant est incisif bien qu' « il maîtrise difficilement l'angoisse de voir son père transformé en ombre « , la narration dure et froide, d'une précision presque chirurgicale. Une écriture « blanche » sur ce noir sans compromis avec le réel et les émotions sur laquelle les incompréhensions de Tino, dont l'âme s'aiguise, plaquent une froideur d'acier, les éclats de l'acier, quelque chose de tranchant.

Par le regard, rien de si étonnant de la part d'une auteur qui est également réalisatrice de longs métrages. Un récit en travelling sur un temps resserré, sept chapitres pour sept coups.

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Commentaires

  • Lybertaire

    1 Lybertaire Le 29/04/2014

    J'ai préféré Wakolda et La Malédiction de Jacinta pour leur réalisme magique et le suspense, que je n'ai pas retrouvé dans La Fureur de la langouste !
  • Marilyne

    2 Marilyne Le 29/04/2014

    @ Lybertaire : j'ai lu tes billets avec intérêt. J'avais très envie de lire " Wakolda " mais, du coup, il vaut peut-être mieux que je commence par " La Malédiction de Jacinta ". C'est vrai que dans celui-ci, pas de réalisme magique, en revanche j'ai apprécié l'incisif du regard, cette écriture très visuelle, la mise en scène du contexte.

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