L’Heure du Roi – Boris Khazanov

Heure

- Editions Viviane Hamy -

Boris Khazanov est né en 1928 à Leningrad. En 1949, il participe à un mouvement antisoviétique, ce qui lui vaut huit ans de travaux forcés. Libéré en 1955, il devient médecin, puis il se consacre à l’écriture. En 1982, il s’établit à Munich, et reçoit, en 1998, le prix  » Littérature en exil  » de la ville d’Heidelberg.

- Traduction et postface Elena Balzamo -

Un indispensable.

A la façon d’une chronique historique, Boris Khazanov relate la chute et l’élévation du roi Cédric X, monarque d’un minuscule pays imaginaire envahit par le Troisième Reich.

Une fable, un texte court au propos philosophique et politique.

Si ce royaume n’existe pas, le contexte est précis, des dates, des noms de dignitaires et de nations d’Europe cités. Ce brillant mélange des genres d’une ironie d’une agressivité salvatrice donne toute sa puissance au récit, sa dimension de réflexion, son bonheur de lecture. Impressionnant. Il lui confère à la fois paradoxalement son réalisme mais aussi son universalité, autant pour la politique de l’URSS ( diktats du régime soviétique, bloc de l’Est, contrôle des Pays Baltes ) que pour toute dictature  : conscience, choix, engagement, valeurs humaines lorsque l’on se libère des lois de l’ordre, mythomanie de la folie idéologique, considérations sur les effets du collectif et ses emblèmes, sur l’absurde et la démence dans lesquels peuvent plonger la violence, sur le tragique du geste résistant individuel, dérisoire mais si symbolique.

Allégorie satirique, ce texte pose la question fondamentale du sens, celui de la vie, celui de la liberté, de leurs expressions. Ce texte est un chef-d’oeuvre.

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-  » Un motard gris-vert, les mains sur le guidon, la tête coiffée d’un pot de chambre, des jumelles ballant sur la poitrine , apparut. L’explosion s’amplifia, un blindé mille-roues surgit et, dans le virage, faillit emporter un morceau de l’immeuble; à l’intérieur, pareilles à des champignons, des rangées de casques se balançaient. Deux autres véhicules le suivaient, qui obstruèrent la rue entière. Le vrombrissement des moteurs plongea les habitants dans une terreur tout à fait inédite. Une automobile blindée, où des messieurs raides et à la casquette retroussée fixaient le pare-brise d’un air terriblement grave, fermait la marche. Les monocles brillaient. « 

-  » [ Hitler ] Epargnons-nous la peine de brosser le portrait de cette personne, on la suppose suffisamment connue, d’autant qu’il s’agit là d’un cas où – pour paraphraser l’adage antique – l’importance réside moins dans la chose elle-même ( en l’occurence la personne ) que dans l’impression qu’elle produit. « 

 -  » Le cours des événements, pas plus que la trajectoire des astres, ne dépend de personne, bien-sûr. Sommes-nous pour autant impuissants devant cet ultimatum perpétuel ? L’impuissance nous décharge de notre responsabilité, mais envers qui ? Envers les autres, mais nullement envers nous même. [...]. Admettons que Spinoza a raison d’affirmer que la tenacité dont l’homme fait preuve pour défendre son existence est limitée et largement inférieure à la violence des circonstances extérieure; admettons que vaincre une tempête est au-delà de nos forces. Pourtant, le choix du pavillon qu’arbore le navire qui sombre nous revient. Dans le choix des couleurs du drapeau réside notre entière liberté. « 

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- Comme la poésie de Joseph Brodsky, ce texte ne fut pas publié en URSS mais à l’étranger ( 1976 ) alors même que son auteur y vivait encore. Il y fut diffusé clandestinement ( on appelait ces ouvrages qui circulaient illégalement des samizdats comme l’explique Elena Balzamo dans son analyse en postface. C’est ainsi qu’elle l’a découvert à l’université )

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