Solitudes australes - David Lefèvre

Solitudes autrales tr

- Editions Transboréal -

Je reviens d’un beau voyage, d’un grand voyage, qui me fait douter de ce retour, à tel point – de non-retour tant je suis partie loin – qu’il est difficile de mettre mes mots sur ceux de David Lefèvre tant j’ai mis mes heures dans les siennes, mon cœur au rythme du sien.

Ce livre relate un véritable voyage, périple au bout du monde, au plus profond de soi. Pas un exploit ni une fuite malgré le rejet d’une certaine société occidentale mais le désir revendiqué d’un accomplissement intègre.

Cette Chronique de la cabane retrouvée est une aventure et une expérience vécues autant humblement que pleinement, autant tournée vers l’environnement que l’intime; une aventure et une expérience au cours desquelles «  l’écriture est une escale « . Bien que cette cabane soit une retraite, c’est certain, paradoxalement peut-être, le regard y est attentif, sensible, l’esprit patient, ouvert au monde, aux réflexions, aux questions, la pensée féconde. Réaliste, David Lefèvre interroge la frénésie du monde, la société de profit et de consommation sans que ses réflexions soient leçons, violences ou formules péremptoires. Philosophe, il interroge notre relation à notre société d’origine, à notre terre natale; il s’interroge sur notre rapport aux lieux d’élection, à nos lieux d’adoption, sur nos racines et celles du monde, sur la notion de temps et d’avenir; philosophe d’une philosophie sans attache consentant aux mystères, d’une  » résistance sans prétentions « .

David Lefèvre, après avoir vagabondé en Patagonie, part s’installer sur l’île chilienne de Chiloé.  Il rejoint un lopin délaissé par un ami à une dizaine de kilomètres de l’Océan Pacifique. Au bord d’un lac, entourés de forêts, une cabane sur pilotis l’attend. De septembre à avril, saisons clémentes sous cet hémisphère, Solitudes australes relate cette installation, la découverte de l’environnement, ses habitants qu’ils soient humains ou animaux, la nature, le climat à la pluie et au vent. Entre ciel, terre et eau, les heures, les couleurs, les humeurs. Et l’aménagement de la cabane, les travaux de rénovation et de défrichement… Le voyageur devient  » un peu paysan, un peu pêcheur, un peu charpentier. « Un peu botaniste et un peu ornithologue aussi.

Et ce qui transparaît de ce récit, au-delà de l’éveil, de la respiration, c’est la modestie de cet homme; au-delà de ce choix de vie de  » pauvreté volontaire « , une sobriété à travers la beauté qu’il donne à voir, à ressentir, sans fioriture, sans s’imposer, ni imposer quelconques clichés en noir et blanc. Entre explorations et contemplations, ses descriptions de son environnement naturel sont magnifiques. Sa plume aussi riche que généreuse, épanouie, rend la lumière, la force et la densité, en parfaite harmonie avec l’esprit du lieu auquel s’est donné l’auteur.

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 » … la tempête a travaillé toute la nuit. Elle a émondé les forêts, fauché les joncs, déraciné quelques arbres et troussé la moindre branche morte. Impossible de fermer l’oeil. Enflé de tous ses affluents, le lac prenait une allure de pleine mer. l’écume bondissait au sommet des vagues. Des boules de pluie, pareilles à des comètes égarées, roulaient en tout sens. Des gerbes d’eau s’écrasaient contre les carreaux mal sertis de la cabane, rinçant une pile de livres que je croyais en sécurité. Le vent menait un train d’enfer. Il détachait des lames qu’il poussait comme des spectres, il rugissait entre les arbres et raclait la berge en sifflant dans les enchevêtrements griffus de bois mort. La forêt craquait, son gréement se tordait et gémissait comme un vieux bois de lit. Seules les hautes branches juchées à califourchon sur la cime des crêtes avaient l’air de rester immobiles, étrangement épargnées. [...] La poussée des eaux submergeait sans distinction troncs, rochers et moquettes de luzerne. La terre reculait. J’étais propulsé au coeur d’un paradis infernal. C’était d’une sauvagerie indéfinissable, d’une sublime fatalité, effrayante et magique. «

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David Lefèvre ne vit pas isolé du monde dans son monde. Il rappelle le pillage économique, le désastre écologique, dont est victime le Chili, la Patagonie en particulier, et s’inquiète, à juste titre, pour l’île de Chiloé où il s’est installé, y pratiquant la photographie. Un carnet de splendides photographies se découvre en milieu d’ouvrage.

David Lefèvre est également l’auteur du récit  » Aux quatre vents de la Patagonie  » aux éditions Transboréal.

- Pour en savoir plus sur son parcours et son engagement un article de l’éditeur ICI -

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